
L’Histoire agricole de Carrières-sous-Poissy
A partir de l’an 1000, Carrières est un vaste espace de 719 hectares couvert de bois et de friches. Le territoire de Carrières était un vaste espace couvert de bois et de friches, il appartenait à deux seigneuries n’ayant rien à voir avec le territoire actuel de Carrières. En 1162, le Seigneur Thibault de Marly donne une partie du territoire à l’Abbaye de Marcheroux qui prend alors le nom de la seigneurie de Saint‑Blaise. Les religieux vont défricher la plaine et y cultiver le seigle et la luzerne. En 1444, des parcelles sont louées à cens : les familles paysannes, contre le droit d’exploitation d’un terrain, doivent payer une redevance perpétuelle au seigneur. La gestion du terrain se transmettra de génération en génération.
La vie aux champs
La plaine, dite de terreau pauvre, limite les types de cultures possibles. La vigne, le seigle et la luzerne s’adaptent naturellement à cet environnement. Au printemps, on cultive les petits pois et les asperges. Il y a deux espèces d’arbres fruitiers : le prunier et une variété dite hâtive de cerisier. Les paysans plantaient les asperges aux pieds des arbres, la moitié du territoire étant couverte de cerisiers. Jusqu’au 20ème siècle, les cultivateurs de Carrières forment une communauté soudée. Les temps de récolte, de vendanges, de grande lessive et d’abattage du cochon sont autant d’occasions d’organiser fêtes et repas.
Photo : Antoine EVRARD (Source : http://philgene.free.fr).
La vigne
La vigne est une culture importante à Carrières. En 1824, quatre pressoirs sont actifs sur la commune (à la maison seigneuriale de Saint Blaise, grande rue avant l’église, grande rue avant l’emplacement de la mairie-école et en face de la rue de la porte du Roi.). En 1858, elle occupe encore 30 hectares pour une récolte de 32 hectolitres par hectare. Après la Révolution Française, les vendanges sont décrétées par décision du Conseil municipal. Cet acte est appelé « ban des vendanges ». Son exploitation diminue progressivement et elle disparait vers 1913.
Le seigle – le blé – l’avoine
Après la coupe, le seigle est séché et battu. Le battage s’effectue sur un support à la forme d’un « dos de cochon », d’où son nom « la truie ». En 1914, l’apparition des machines à vapeur facilite le battage du blé. A cette époque le seigle était récolté sur sa paille (fabrications de liens). Il était coupé avant floraison.
La pomme de terre
Après la disette de 1794, les paysans de Carrières arrachent 35 hectares de vigne et plantent les premières pommes de terre. En 1857, la pomme de terre occupe 100 hectares.
L’épandage
En 1894, la ville de Paris cherche un moyen de se débarrasser de ses eaux usées et passe un accord avec la ville de Carrières-sous-Poissy, qui veut tenter l’expérience de l’épandage pour fertiliser les terrains pauvres. Les eaux usées sont acheminées jusqu’à Carrières, où l’on construit tout un réseau de canalisations, canaux et maisons de cantonniers. Certains paysans, d’abord méfiants, craignent un empoisonnement des terres. Leurs outils ne sont pas adaptés à des terrains irrigués. Les cerisiers doivent être arrachés. Le terrain étant plus pentu qu’aujourd’hui, Des opérations de pompage permanents sont nécessaires pour acheminer l’eau sur les points les plus hauts. Pour solutionner ce problème, Les terrains furent nivelés pendant l’entre-deux guerres. Cette opération va se révéler être un succès. En 1913, 350 hectares sont dévolus à la culture maraîchère. De nouveaux outils vont favoriser l’agriculture intensive. On cultive poireaux, oignons blancs, céleri, carottes, choux, haricots et pommes de terre. Ces légumes sont vendus par les agriculteurs eux-mêmes sur les marchés locaux ou aux Halles de Paris. Les cerisiers progressivement furent arrachés par manque de rentabilité.
Le site est souvent décrit comme étant l’ancienne zone d’épandage des eaux usées de la ville de Paris. Le contexte historique est le suivant :
« Au milieu du XIXe siècle, l’assainissement de Paris devient un problème important. Les eaux usées sont emportées en dehors de la ville, en aval, dans la Seine, mais cela crée très vite des nuisances pour les résidents. Il faut épurer les eaux, la solution choisie est l’épandage, c’est-à-dire épurer les eaux d’égout au travers d’un sol perméable cultivé.
En 1889, une loi d’utilité publique permet de réaliser des travaux d’adduction à Achères. Dans le même temps, la plaine de Gennevilliers apparaît alors aux agriculteurs comme une zone fertilisée par les épandages.
Les épandages de la ville de Paris (complément)
Le 10 juillet 1894 la loi du tout-à-l’égout permet le raccordement des immeubles parisiens. Les travaux sur Pierrelaye et la boucle de Chanteloup sont terminés en 1899. En 1900, la Seine ne sert plus de déversoir pour les eaux d’égout. Mais rapidement les volumes des eaux usées augmentent, il est donc être nécessaire d’adjoindre une autre méthode à celle de l’épandage : l’épandage biologique. La première station de ce type est construite à Achères en 1925, et entre en service en 1940. En 1970 le SIAAP (Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne) est créé. Sur la zone Carrières-Triel, on trouve 950 ha de terrains irrigables, dont 100 ha propriétés de la ville de Paris, situés sur le territoire de la ferme des Grésillons. Cette irrigation était attendue avec impatience : il faut rappeler que les terrains du secteur sont pauvres dans la plaine, et sur le coteau la vigne est dévastée par le phylloxéra en 1899. Avant l’épandage, la vigne et les arbres fruitiers (abricotiers, cerisiers, puis pruniers, pommiers et poiriers) faisaient vivre l’agriculteur. La vigne disparaît, puis les arbres fruitiers connaissent la concurrence des récoltes du Midi et de la vallée de la Loire. Les paysans s’adaptent, ils changent leurs cultures et entreprennent le maraîchage, poireaux, céleri-rave, choux-fleurs, pois, pommes de terre…. On ne doit cultiver que des légumes qui seront consommés cuits : les légumes ne doivent pas être en contact avec l’eau. Les agriculteurs ouvrent et ferment eux-mêmes les vannes, surveillent l’écoulement de l’eau, enlèvent les mottes de terre qui gênent son passage… »
(Source : « Un siècle d’épandage dans la Boucle de Chanteloup, étude de la société paysanne et du parcellaire agricole »
par Gwenhaël Bonté, Maîtrise d’aménagement ; septembre 2002)
La fin de l’activité agricole
L’épandage apporte la prospérité à Carrières. Malheureusement, la gestion anarchique des déchets d’une industrialisation toujours grandissante, aurait entrainé le mélange aux eaux d’épandages de produits chimiques. Les sols sont pollués par des métaux lourds et les légumes déclarés impropres à la consommation. Ainsi, l’activité maraîchère s’arrête à la fin du 20ème siècle.